Nietzsche et la pratique philosophique, 28 mars 2025

Date limite 30 novembre 2024

Journée d’étude du Cercle d’Études Nietzschéennes et du Centre d’histoire des philosophies modernes de la Sorbonne

Nietzsche et la pratique philosophique

Le vendredi 28 mars 2025 à Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dans les années 1960-1970, Nietzsche apparaissait, notamment en France, comme un véritable outsider dans l’histoire de la philosophie. Cela était-il justifié ? Comment faire droit à la singularité du rapport de Nietzsche à la philosophie sans pour autant le reléguer dans ses marges ? Quel est le « lieu » de l’étrangeté nietzschéenne à l’égard de la philosophie ?

L’enjeu de cette journée d’étude est de se demander si Nietzsche ne pourrait pas compter, à l’instar de Marx et Engels, au nombre de ces penseurs pour qui les philosophes n’ont fait qu’ “interpréter” le monde, alors qu’il s’agirait dorénavant de le “transformer” (11e thèse sur Feuerbach). Si l’on a déjà insisté sur la dimension proprement praxique de la pensée nietzschéenne, en raison notamment de son projet législateur en matière axiologique, il est encore possible de faire porter l’interrogation sur le rapport à la “philosophie” qu’une telle praxis semble impliquer. La manière dont Nietzsche conçoit la nature et l’exercice de l’activité philosophique implique-t-elle de rompre avec la philosophie en déplaçant son enjeu sur le terrain de la législation et de l’élevage, ou bien signifie-t-elle au contraire un véritable accomplissement du geste même de la philosophie ? La pratique nietzschéenne de la philosophie signifie-t-elle sa “fin” ou son “re-commencement” ?

Les contributrices et contributeurs sont ainsi invités à explorer ces questions à travers plusieurs axes de questionnement qui ne sauraient être exhaustifs (toute idée de contribution reflétant une approche susceptible de les compléter est ainsi tout à fait recevable) mais permettent de problématiser aussi bien la pratique nietzschéenne de la philosophie, c’est-à-dire les modalités par lesquelles Nietzsche fait ou non de la philosophie, que sa philosophie de la pratique, c’est-à-dire les réflexions de Nietzsche sur les conditions à partir desquelles une pensée et/ou une activité peut orienter le devenir du monde. Pour le dire dans le langage du jeune Marx inspiré de Hegel : explorer, avec Nietzsche, tout autant le devenir-monde de la philosophie que le devenir philosophique du monde.

1) La question du mode d’inscription de Nietzsche dans la philosophie et sa tradition.

Cela revient à se demander dans quelle mesure Nietzsche inscrit sa pensée en continuité ou en rupture avec la philosophie au sens “traditionnel”. Plusieurs modèles, entre autres, sont analysables : “le philosophe comme médecin de la culture” (FP, 1872, 23 (15)), les deux espèces de philosophe, législateurs ou travailleurs (PBM, § 211 ; FP, XI, 38 (13)), la philosophie comme “la plus spirituelle volonté de puissance” (PBM, § 9), l’histoire des philosophes préférée à celle de la philosophie (La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, § 2), les “critiques” comme “instruments du philosophe (…) à mille lieux encore d’être eux-mêmes philosophes” (PBM, § 210), “la philosophie de Dionysos” (FP, 1884, 34, (176)), etc. Les propositions de contribution visant à réviser l’interprétation deleuzienne en partant du lien que celle-ci établit entre Nietzsche et la tradition philosophique – par exemple en re-discutant la filiation supposée entre Nietzsche et le postkantisme (Fichte, Maïmon), l’ anti-hégélianisme féroce, l’ouverture de la philosophie nietzschéenne vers les sciences de l’homme, ou bien en revenant sur la réception de la lecture deleuzienne devenue un temps hégémonique sous la bannière du “Nietzsche des forces réactives” —, seront aussi les bienvenues.

2) Le statut de l’interprétation et de son effectivité.

Le rapprochement avec la 11e thèse sur Feuerbach ne saurait ignorer que, pour Nietzsche, l’interprétation est une activité par soi transformatrice et créatrice. Alors, à quelles conditions une interprétation est-elle susceptible de produire des effets réels et durables dans le « monde » ? Cette question peut renvoyer à la manière dont Nietzsche conçoit la réception d’une pensée, et donc aussi au temps de la philosophie. Le statut de cette dernière semble en effet différer selon qu’il concerne la philosophie jusqu’à présent (bisher) ou la philosophie de l’avenir (Philosophie der Zukunft, dont Par-delà bien et mal dit être le prélude) : quelle justification Nietzsche avance-t-il pour s’autoriser d’une telle distinction ? S’agit-il d’une césure temporelle ou d’autre chose ? Dans quelle mesure la philosophie nouvelle que Nietzsche appelle de ses voeux diffère-t-elle du tout au tout de celles qui l’ont précédée ? Outre la philosophie, ces questions peuvent conduire à interroger les rapports entre philosophie et histoire, activité de penser et éternel retour.

3) La transformation du discours philosophique.

Le mode d’écriture nietzschéen est en effet ce que sa pensée comporte peut-être de plus singulier : tour à tour poétiques, polémiques, aphoristiques ou énigmatiques, les textes nietzschéens reflètent une variété d’approches et de tentatives qui tendent à crypter le propos de Nietzsche, ainsi que ses intentions. Comment Nietzsche justifie-t-il les modalités pratiques par lesquelles il fait effectivement de la philosophie ? Dans quelle mesure le style apparaît-il comme une composante essentielle du philosophe ? Une présentation ou discussion de la publication récente des textes inédits de Foucault sur Nietzsche, dont l’unité repose justement sur la question de la transformation nietzschéenne du discours philosophique, pourrait être à cet égard stimulante.

4) La question de l’autobiographie.

Nietzsche ne cesse de faire précéder ses ouvrages de préfaces qui sont autant de manières de ressaisir les conditions personnelles dans lesquelles ils ont été écrits, ainsi que les choix de vie qui y sont impliqués. De ce point de vue, Ecce homo peut même apparaître comme une sorte d’ « autobiographie philosophique ». Quel enjeu philosophique peut alors porter avec elle l’écriture de soi ou l’entretien avec soi-même ? À moins qu’il ne s’agisse chaque fois d’une expérimentation autocritique de soi irréductible à toute idée de réflexion pure de l’esprit sur et par lui-même ? Mais alors, quelles sont les exigences et les normes de fécondité d’un tel exercice ? Peut-on en parler en termes de “souci de soi” ou d’”exercice spirituel” (P. Hadot) ? Serait-ce par ce biais que l’on peut tracer une ligne de continuité entre Nietzsche et les Grecs — par-delà les discours philosophiques de nature théorique, systématique ou simplement universitaire ?

 

Pour contribuer, merci de remplir en ligne, en français et avant le 30 novembre 2024, le formulaire de candidature disponible sur le site du CEN :
https://www.cen-info.com/candidature-journ%C3%A9e-d%C3%A9tude-2025

Comité d’organisation :

Ondine Arnould (Université de Strasbourg / CRePhAC, UR2326 et MGNE, UR1431)
Christophe Fradelizi (Université de Reims / CIRLEP-URCA, EA 4299)
Yves Ghiot (Haute-École en Hainaut, Belgique)
Frédéric Porcher (Paris 1 Panthéon-Sorbonne / HiPhiMo, UR 1451)
Axel Vincent (Université de Rennes / CAPHI, UR 7463)
Avec l’aide de Bertrand Binoche (Paris 1 Panthéon-Sorbonne, HiPhiMo)
Contact et renseignements : contact@cen-info.com

LoadingMark as favourite

Leave a Reply