Journée organisée par A. Sorosina.
Paris, samedi 05 mars 2016
16 rue de la Sorbonne,
Salle Cavaillès (9h-17h)
INTERVENANTS :
M. Aït-Amer
M. Amat
D. Astor
T. Auffret
R. Ehrsam
Y. Ghiot
P. Granarolo
E. Salanskis
A. Sorosina
Y. Souladié
I. Wienand
Atelier 1 (9h30-11h) : perspectives sur le perspectivisme.
Modérateur : P. Granarolo.
9h-9h30. Accueil, petit-déjeuner, calembours et jeux d’intérieur.
9h30-9h50. Arnaud Sorosina (Univ. Paris I), « ‘’Un être prodigieux d’antagonismes’’. Les noms de l’histoire en perspective ».
9h50-10h10. Dorian Astor (École Polytechnique), « ‘’Cette pensée dont la profondeur n’est pas encore épuisée’’ (GS, § 357) — Les perspectives inconscientes chez Leibniz et Nietzsche. »
10h10-10h30 Raphaël Ehrsam (Univ. Paris IV), « Le perspectivisme est soluble dans le réalisme. Plaidoyer pour une lecture pragmatiste de Nietzsche. »
10h30-11h00. Discussion
Atelier 2 (11h-12h): perspectives et prospectives.
Modérateur : D. Astor.
11h00-11h20. Philippe Granarolo (Lycée Dumont d’Urville), « L’articulation des scénarios nietzschéens (logique d’une futurologie sans équivalent) ».
11h20-11h40. Emmanuel Salanskis (Fondation Thiers / Laboratoire SPHERE-CNRS). « Nietzsche : conquérir une perspective de longue durée. »
11h40-12h00. Discussion.
Atelier 3 (14h00-15h30) : perspectives et rétrospectives.
Modératrice : I. Wienand.
14h00-14h20. Yannick Souladié (Univ. Toulouse le Mirail), « Nietzsche et Héraclite : les rois de la guerre ».
14h20-14h40. Yves Ghiot (Univ. Paris I), « Nietzsche/Overbeck: l’influence du piétisme dans l’émergence de pensées jumelles »
14h40-15h. Thomas Auffret (Univ. Paris IV), « Nietzsche lecteur et interprète de Platon ».
15h-15h30. Discussion.
Atelier 4 (15h30-17h) : la modernité en perspective(s).
Modérateur : E. Salanskis.
15h-30-15h50. Isabelle Wienand (Univ. de Bâle), « Le modèle cartésien du sujet dans la philosophie de Nietzsche ».
15h50-16h10. Mohamed Aït Amer Meziane (Univ. Paris I), « L’auto-critique de l’athéisme. Sécularisme et mort de Dieu du jeune Marx à Nietzsche. »
16h10-16h30. Matthieu Amat (Univ. Paris I), « ‘’Le moraliste par excellence’’ : le Nietzsche de Georg Simmel ».
16h30-17h. Discussion.
17h-4h35. Dionysies.
En France et ailleurs, il est d’usage d’aborder le problème du perspectivisme du point de vue épistémologique. C’est la question de la compatibilité entre les perspectives, l’interprétation et la norme du vrai qui (à partir des travaux de Jean Granier notamment) a maintenu l’appréhension du perspectivisme sous la tutelle de cette problématique, qui n’est jamais qu’une perspective possible sur le perspectivisme. Ouvrir le perspectivisme à l’histoire consiste précisément à interroger la légitimité de cette réduction, en déployant historiquement le perspectivisme lui-même, dans la mesure où il ne constitue pas une doctrine de surplomb où en solde de tout compte se totaliseraient les perspectives, mais un philosophème qui ne s’exempte pas de l’histoire dont il est tributaire et dans laquelle il prend pied, pas plus qu’il ne dénie, par voie de conséquence, le point de vue perspectif à partir duquel il s’énonce.
Il s’agit donc de mettre le perspectivisme en perspective, et à cet effet, nous avons réuni des contributeurs – spécialistes et non spécialistes de Nietzsche – qui eux-mêmes n’interrogent pas Nietzsche du même lieu :
- Il faut s’entendre d’abord sur ce que peut signifier « perspectivisme » chez Nietzsche, ce qui ne peut s’éclairer que par différentes perspectives herméneutiques, qu’elles se focalisent sur le rapport de Nietzsche aux noms de l’histoire (A. Sorosina), sur le rapport du perspectivisme nietzschéen à celui de son principal prédécesseur, Leibniz (D. Astor), ou qu’elles s’efforcent de rendre compte de l’inactualité du perspectivisme, c’est-à-dire de sa place dans le débat contemporain, en renvoyant dos-à-dos relativisme et réalisme (R. Ehrsam). (Atelier I : perspectives sur le perspectivisme).
Ce travail conceptuel préalable permet d’éclairer la nature et la fonction du perspectivisme en amont et en aval du moment où il s’énonce.
- En aval, d’abord : le perspectivisme est le lieu où s’énonce des prospectives, dans la mesure où il est à la recherche de certaines hiérarchies d’évaluation et veut déterminer un ordre de prévalence des perspectives qui conférerait à l’avenir une valeur supérieur au présent. C’est le sens du geste par lequel Nietzsche entend conquérir une perspective de longue durée (E. Salanskis), perspective qui en réalité se décline en plusieurs scénarios possibles, puisque la prospective se conquiert historiquement et se formule diversement à mesure que Nietzsche devient qui il est, sachant ce qu’il veut et voulant ce qu’il sait (P. Granarolo). (Atelier II : perspectives et prospectives).
- En amont, ensuite : le perspectivisme ne se jette pas à corps perdu dans la prospective en faisant table rase du passé, mais se définit comme une activité de recollection ordonnée et hiérarchisée, et partant également polémique, des perspectives passées. D’une part, Nietzsche s’efforce de situer son perspectivisme relativement à la figure héraldique de cette polémique entre les perspectives, Héraclite (Y. Souladié), et à sa version pervertie et pourtant triomphante dans l’histoire occidentale, ce qui non seulement nous intime d’examiner ce qu’il faut faire de Platon (T. Auffret), mais ne peut faire l’économie d’une analyse du « platonisme pour le peuple » et de l’héritage chrétien dont Nietzsche se sait lui-même être le terme problématique (Y. Ghiot). (Atelier III : perspectives et rétrospectives).
- Alors seulement, la rétention et la protension révèlent le perspectivisme comme crise de la modernité incapable de savoir à quoi « s’en tenir » – ce qui n’est pas autre chose que le nihilisme. Pour interroger la modernité de Nietzsche et l’originalité équivoque de son site, il faut alors le mettre en perspective avec le héraut de la modernité, Descartes (I. Wienand), tout autant qu’avec le « philosophe de la modernité » propre à penser son statut posthume, Georg Simmel (M. Amat). La modernité de Nietzsche, éclairée par-devers lui en fonction de la modernité qui le précède et de celle qui lui succède, trouvera enfin à s’éclairer par une confrontation avec la critique marxienne de la modernité qui lui est contemporaine, pour mettre en perspective leur analyse de la modernité en crise, et tout particulièrement leur diagnostic relatif à son problème majeur, celui des ombres de Dieu (M. Aït Amer Meziane). (Atelier IV : la modernité en perspective(s)).
Ce n’est donc pas seulement la philosophie de Nietzsche qui trouve à s’éclairer de l’intérieur. Le prisme du perspectivisme nietzschéen offre une clé de lecture pour penser les relations et la fécondité des relations historiques, au sens à la fois de ce qui est relié par une mise en perspective et de ce qui est discursivement et axiologiquement mis en perspective par un récit, c’est-à-dire relaté. Le perspectivisme n’est plus dès lors seulement rapporté à un problème relatif à la théorie de la connaissance, mais à la nécessité de déterminer ce qui mérite d’être connu, si l’on pense cette connaissance comme Erlebnis suscitée par ce qui est relaté, mis en intrigue, et partant évalué.
Arnaud Sorosina
ATER – Paris I (CHSPM)